Ce numéro de Nobodaddy accompagne les recherches autour du thème des prochaines journées du congrès.
Le monde organisé hiérarchisé du patriarcat a du plomb dans l’aile. Depuis la place vacante laissée par le père quelque chose fait retour, ne boudons pas notre plaisir de l’interpréter.
Ainsi, Enric Berenguer nous donne à saisir, par des révolutions, différentes versions du père de la jouissance. Le père tellement décrié de nos jours ferait place à un être jouissant sans la moindre obscurité. Viendrait-il toujours à la même place à le vouloir autre ? La critique ne provoque-t-elle pas ce qu’elle dénonce justement ? Laissant, alors, peu de place à l’interprétation.
C’est justement ce que nous propose Clotilde Leguil, une interprétation de la critique du patriarcat. Non sans y apporter l’éclairage de Lacan, elle en fait lecture du poids de la langue, la langue que parle les gens[1]. Plus précisément, elle met en lumière le glissement du signifiant paternalisme vers celui de patriarcat. Ce dernier, critiqué, résonne avec abus de pouvoir, et ce, de manière radicale. La revendication à la jouissance comme nouveau mode s’impose. C’est un texte dont on poursuivra la lecture la semaine prochaine.
De cette revendication à la jouissance, en témoigne également Anne Colombel-Plouzennec par un autre abord. Elle met le focus sur le foisonnement des méthodes en quête de repères imaginaires qui envahissent le champ du développement personnel comme autant de solutions dans lesquelles pourraient s’engouffrer des parents exaspérés par des enfants terribles. Sur fond d’effacement de la norme patriarcale et d’une loi symbolique affaiblie, le coaching se fait parental, écrit-elle. Son texte est, par ailleurs, une belle invitation à être attentifs à ce qui se passera lors de la septième journée[2] de l’Institut psychanalytique de l’enfant ce 18 mars.
Marie-Josée Raybaud, à partir du roman Vivre et mentir à Téhéran, montre comment les cachotteries[3] qui constituent le plus intime de chacun permettent d’inventer un « mode de survie pour que le désir résiste à ‟l’ordre de fer” ». Vous pourrez y lire comment le jeune Morteza se débrouille avec les Père-sonnages au sein de sa famille, de ses communautés, de son pays.
Qu’on se sente imprégné du discours woke ou qu’on trouve qu’il y a lieu de revenir à la tradition, avec toutes les nuances possibles, la psychanalyse tient compte du chamboulement et de ses effets sur les sujets. Elle offre la possibilité, par le biais de ce qui fait la marque la plus singulière de chacun de nous, de saisir l’invention qui permette de mener sa vie, invention comme gain de savoir, loin des idéaux sociétaux, loin des siens propres. Pas sans interprétation, donc. Pour se retrouver à l’occasion avec le désir, le réel.
Les quatre contributeurs de cette newsletter nous rappellent que les réponses, si elles sont du registre de l’invention, ne sont pas hors de la temporalité d’une société, pas sans le rapport aux autres.
De cette fournée, à vous d’y glaner pierre et chemin[4].
Image : © Emilie Divet – http://www.emiliedivet.fr/ – https://www.instagram.com/emiliedivet/
[1] Cf. Lacan J. (d’après), « De la structure comme immixtion d’une altérité préalable à un sujet quelconque. Conférence à Baltimore, 1966 », La Cause du désir, novembre 2016, n°94, p. 9.
[2] La septième journée de l’Institut psychanalytique de l’enfant se tiendra le 18 mars 2023, en présence au Palais des congrès à Issy-les-Moulineaux sous le titre de Parents exaspérés–enfants terribles, https://institut-enfant.fr/.
[3] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2011, p. 116.
[4] Cf. Miller J.-A., « L’os d’une cure », Paris, Navarin, 2018, p. 7-21.