Lacan met en évidence une fonction double de la mère, en laquelle la métaphore paternelle est déviée, où l’on ne peut pas dire qu’il y ait forclusion du Nom-du-Père, mais qu’il y a en effet un père insuffisant. Au moyen de la formule p(m) (m’), Jacques-Alain Miller pose qu’il n’y a pas le « P » du Nom-du-Père, mais un « p » minuscule comme double de la fonction maternelle[1]. Il y a un dédoublement de la fonction maternelle pour suppléer à la déficience paternelle[2]. Le petit Hans fait le pari de réaliser la métaphore paternelle avec les éléments féminins de son histoire. Chaque dimanche, il rendait visite à sa grand-mère, qui incarnait l’autorité. Nous avons là un petit féministe ! Bien que le père imaginaire, celui de la vie quotidienne, soit maternisé ; certains sujets trouvent des phobies, comme celle de la morsure d’un cheval ou des grands-mères à qui il faut rendre visite chaque dimanche pour occuper cette place. Peut-être que certains discours féministes remplissent aussi cette fonction civilisatrice de la jouissance.
Du père à la significantisation de la jouissance
J.-A. Miller propose également de partir de la formulation en termes œdipiens, des termes de papa et maman.
Le premier terme est l’Œdipe freudien – donc, c’est la significantisation, au moyen du phallus, de la jouissance inconnue –, il est un secret à l’intérieur de la métaphore paternelle. Le dernier est pareil au second généralisé, celui se réfère aussi à la significantisation de la jouissance[3]. Au-delà du fait qu’il s’agit d’un père, d’un homme, d’une femme, d’un transgenre, d’une grand-mère, d’un phallus, ce dont il s’agit c’est de significantiser une jouissance, ce qui permet de la négativer. Peut-être que ce que l’on dénonce comme patriarcal n’est rien de plus que la violence de la jouissance, non significantisée pour certains ; une caricature atroce du père de la horde tout-puissant, un père qui ne fait pas suffisamment sa « père-version » sur la jouissance, mais qui jouit sans limites. Comme le pose Marcelo Barros, « la condition virile est celle qui accepte de ne pas être indispensable. La vanité pompeuse de l’homme est une défense contre ce destin inéluctable. L’impératif machiste continue à peser sur eux, et se combine à l’impératif de la société de la performance »[4].
La psychanalyse, une autre possibilité
La psychanalyse offre une autre possibilité à cette époque dans laquelle la fonction civilisatrice du père décline. La métaphore paternelle interprète le désir de la mère et permet à l’enfant de se séparer un petit peu de la position d’objet dévoré par celle-ci en lui accordant à l’occasion certains blasons auxquels s’identifier. Mais Lacan découvre, en suivant la voie des « restes » symptomatiques de Freud, un réel irréductible à l’interprétation.
La psychanalyse permet de sortir un peu de la répétition de la petite histoire familiale, de significantiser la jouissance sur un mode nouveau, qui fait moins souffrir, via l’écoute avec interprétation, pour en dernière instance cerner un réel ininterprétable.
Références de l’auteur :
[1] Miller J-A., Elucidación de Lacan. Charlas Brasileñas, Colección orientación lacaniana, 1998, p. 446.
[2] Ibid., p. 446.
[3] Ibid., p. 315.
[4] Barros M., El horror a la paternidad. Modesto Rimba. 2018, p. 81.
Traduction : Caroline Hapiette
Relecture : Jean-François Lebrun
Image : © Guislaine Bordez – Atelier du 94