Le x du symptôme – Aurélia Verbecq

© Élodie Cognioul – https://elodiecognioul.be/

Le déclin du père révèle l’inexistence de l’Autre, S(Ⱥ) ; il ouvre la voie/x du surmoi. Au temps de la modernité, l’objet a, objet de la pulsion, supplante l’idéal ; et le surmoi est alors un « Jouis ! » auquel le sujet a à se soumettre. Le statut de l’objet comme objet de jouissance ouvre à une clinique du toujours-plus. Les sujets pris dans le discours du maître de l’époque capitaliste se rabattent sur les objets engendrant les cliniques actuelles de la jouissance addictive.

Addixions et toxicomanies

La toxicomanie et l’addixion se font mode de jouir contemporain, voire style de vie dans un « tous-addict ». L’addixion avec un x, concept repris du troisième colloque international du TyA[1], donne à lire ce caractère addictif de la jouissance, l’itération et la répétition, dans le symptôme, de la jouissance du parlêtre. Le père freudien qui interdit n’est plus là, le père lacanien qui dit non à la jouissance et au pulsionnel ne tient plus ; et l’on voit apparaître, de manière de plus en plus soutenue, des pères permissifs, dans une consommation partagée, ou des pères démissionnaires, captés par leurs objets de jouissance.

Jacques Lacan définira l’objet drogue comme « ce qui permet de rompre le mariage avec le petit-pipi »[2] venant faire rupture d’avec le père, le phallus et le signifiant. Exil de la jouissance phallique qui faisait médiation et contrait la pulsion de mort. Cette disjonction entre la jouissance et la vie se saisit au plus intime du parlêtre au risque d’un « désordre provoqué au joint le plus intime du sentiment de la vie »[3]. Ces nouvelles cliniques des toxicomanies et addixions évoquent les impasses de la civilisation ; égarements, errances subjectives jusqu’aux débranchements et ruptures qui vont au-delà de la structure, au cœur des ressentis psychiques et du corps, du corps qui se jouit.

Faire du x une énigme en fonction

Jouissance du Un, du S1, la réitération du point de fixation renvoie donc au plus intime de chacun. Permettre au x de la marque traumatique initiale de prendre le statut d’énigme donne chance à cette jouissance de devenir un symptôme ayant une fonction unique f(x). De ce symptôme, il y a à en user.

Le symptôme fait fonction de père, une fonction particularisée. « Le grand avantage d’une fonction est de ne pas définir un tout. Une fonction ne définit que son domaine d’application »[4], nous précise Éric Laurent. Pas de définition d’un tout, c’est ce père de l’exception, exception amenée par le fait de faire d’une femme la cause de son désir, qui permet de déplacer l’attention sur l’objet a cause et de rendre possible la singularité du désir. Le père en fonction au un par un dans ses différentes versions P(x), par l’usage du symptôme, permet que se déploie un mode de jouir singulier, un symptôme propre à chaque parlêtre. Une fonction en usage au un par un, qui s’oriente du réel pour rendre viable la jouissance.

[1] Réseau du Tya : Toxicomanie et alcoolisme, réseau du Champ freudien.
[2] Lacan J., « Journées des cartels de l’École freudienne de Paris », Lettre de l’École freudienne, n°18, 1976, p. 268.
[3] Lacan J., « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 558.
[4] Laurent É., « Parentalités après le patriarcat », Quarto, n°133, mars 2023, p. 64.

Image : © Élodie Cognioul