Dans l’ordre de fer, quelles échappées ? – Claire Piette

© Emmanuel Kervyn – https://www.emmanuelkervyn.com/

Ce Nobodaddy survole l’Asie, les États-Unis et l’Europe. Voyage où l’on découvre les vestiges de l’ordre patriarcal sur lesquels s’érige un ordre de fer.

Selon Félix Rueda, la « réalité » se trouve reconfigurée, puisque cette dernière est fondée dès à présent sur « la prise en compte de l’injustice distributive qui serait en jeu dans toute différence ». Cette dimension discursive crée ainsi une zone d’incertitude entre la censure et la liberté d’expression dont une manifestation symptomatique est le wokisme.

Au Pakistan, Armelle Guivarch, à travers le film Joyland, nous donne à voir la grimace grinçante d’un patriarcat faisant face à la modernité où les femmes trans sont exhibées et réduites au rebut éveillant le désir, où l’homme marié se trouve en impasse et où l’épouse s’abime dans un ravage mortel.

Un peu plus à l’Est, en Chine, Roberto Cavasola esquisse les linéaments d’un pays où la tradition familiale et le communisme font la noce avec le discours capitaliste. L’émancipation de la femme a son revers, puisque sa vie professionnelle est souvent réduite à une séduction commerciale et si, la trentaine dépassée, elle n’est toujours pas mariée, elle sera une « left over ». Quant à la mère épouse, elle trouvera à imposer sa loi quant au destin de sa progéniture.

Avec la géniale série télévisée co-réalisée par Tim Burton, Mercredi, Omar Battisti nous laisse entrevoir comment le spectre de la volonté hors la loi se dissémine au sein du lycée de Nevermore Academy. Mercredi Addams, bannie de son ancien lycée par un passage à l’acte se retrouve là-bas. Exclue de la dimension de la norme comme ses camarades alors que tous restent otages de la volonté maternelle, Mercredi trouve à la trouer. En effet, sous le mépris reste l’amour enseveli : l’ordre du réel sera ainsi calfeutré, puisque s’y transmet une modalité d’existence particularisée.

L’ère où l’on traque la parole, pour y attraper la mauvaise intention, s’est amplement distillée. Le discours amoureux en pâtit. Mais courageux, il n’a pas dit son dernier mot, selon Véronique Pannetier, puisqu’il est intrinsèquement lié au corps tout en faisant une place à un Autre indéchiffrable et avec lequel l’audace de l’invention est toujours de mise.

Bel envol à vous !

Image : © Emmanuel Kervyn